Roosens, Albert

Albert Roosens, né à Anderlecht, s'est inscrit au club comme joueur le 4 février 1930 et resta fidéle au club bruxellois toute sa carrière. Quand il quitta le club en janvier 1973, c'était un peu comme s'il signait auprès de tous les clubs belges, lorsqu'il fut désigné secrétaire général de l'Union Belge de Football, une fonction qu'il occupa jusqu'au 31 décembre 1987. Il prit ensuite sa retraite et laissa sa place à Alain Courtois.

Albert Roosens était une forte personnalité, sobre, clair et précis dans ses déclarations. C'est sans aucun doute un des dirigeants en Belgique qui a vu le plus grand nombre de joueurs de toutes catégories d'âge en plein action, que ce soit des tribunes ou directement sur les pelouses d'entraînement. Il avait toujours le temps d'aller visionner un jeune talent personnellement. Personne ne pouvait le conseiller sur les qualités techniques de tel ou tel joueur, il savait tout à l'avance. En tant qu'amateur et connaisseur de football, il fonda avec l'entraîneur Pierre Sinibaldi le grand Sporting des années 1960, une équipe talentueuse avec Van Himst et les autres. Avec le secrétaire général Eugène Steppé, il formait un duo efficace qui dessina les bases solides avec lesquelles Vanden Stock et Verschueren allaient pouvoir ensuite travailler.

Après avoir participé à la montée d'Anderlecht en D1, Albert Roosens se vit ensuite entouré de garçons comme Victor Dorre Erroelen, Michel Van Vaerenbergh et Arnold Noulle Deraeymaecker. Il les saluera plus tard en tant que président. C'est ce qu'il fit aussi avec Vanden Stock, qui fut d'abord joueur avant de devenir responsable d'un centre de formation du Sporting. Un accident assez grave en août 1937 l'obligea a mettre un terme à sacarrière sportive. En 1944, il allait cependant encore enfiler ses chaussures de football avec les Press Wanderers le samedi après-midi, avant d'encore jouer avec les vétérans d'Anderlecht.

Juste avant la fin de la 2e Guerre Mondiale, en septembre 1944, il fut désigné comme secrétaire général du club bruxellois. Il fut ensuite vice-président et quand le président Théo Verbeeck décéda en 1951, c'est lui qui reprit alors la fonction de président. Eugène Steppé, alors secrétaire administratif, fut désigné ensuite secrétaire général. C'est ce que Théo Verbeeck avait toujours souhaité.

Ce nouveau président allait d'emblée se montrer autoritaire et dynamique. Grâce à lui, le club évolua en 29 ans de présidence de stade d'amateurisme à quelque chose de bien plus professionnel. Dans la même période, il fallait compter sur la concurrence du Standard, où le président Paul Henrard et le secrétaire général Roger Petit oeuvraient dans le même sens.

Pour la saison 1950-1951, on passa à sessions d'entraînement par semaine au Sporting. Ceci pouvait uniquement se faire quand les joueurs recevaient pour cela une compensation financière pour perte de travail. L'Union n'autorisait cela qu'aux joueurs qui ne gagnaient pas plus de 42.000 francs par saison. Le président Kiekens de l'Antwerp ne les payait même pas pour la perte de travail et les renvoyait au 'Statut des Joueurs Indépendants', voté en 1935 par l'Union, grâce à quoi le club pouvait offrir tout un tas d'avantages matériels aux joueurs à condition qu'ils ne fassent pas du football leur activité profesionnelle principale. De cette façon, on mettait fin en quelque sorte à l'amateurisme pur et simple. En 1935, l'Union alla encore plus loin en décidant d'ouvrir et de réguler le marché des transferts. Ainsi, les clubs pouvaient acheter et vendre des joueurs d'après leurs possibilités financières.

Mais quand Roosens arriva au pouvoir, il considéra ce statut dépassé et chercha d'autres façons de faire. Dans son livre 'Anderlecht, l'histoire d'un Grand Club', Eugène Steppé commente: "Soucieux de l'avenir de ses joueurs, le RSCA fonda le Fonds de Prévision pour les joueurs du club. Une augmentation des 'impôts' internes au club en quelque sorte qui étaient enregistrés et ensuite versés sur les comptes individuels des joueurs, que le club ouvrait lui-même au nom des intéressés. La somme versée sur ces comptes ne pouvait être effectivement touchée que quand le joueur avait atteint l'âge des 35 ans. A quelques exceptions près, tous les joueurs se sont inscrit. Certains d'entre eux sont bien contents d'avoir touché ce petit capital en plus en fin de carrière".

Au moment où Roosens devenait président, le Sporting avait déjà glané 4 titres, dont 3 d'affilée (1949-1950-1951). Avec une 6e place, sa première année en tant que président était une année de transition. L'année suivante, tout le monde désirait décrocher un 5e titre, surtout que le club était encore en tête lors de la 27e journée de championnat. Mais suite à des défaites contre le Racing Mechelen et Liège, le titre s'en alla en direction de l'équipe de Rocourt.

Les Mauves furent champions l'année suivante, en 1953-1954, notamment grâce à une superbe rencontre à La Gantoise en janvier, lorsque les Anderlechtois s'imposèrent 2-4 de façon souveraine sur un terrain complètement gelé.

Le Sporting commençait aussi à se faire connaître sur la scène européenne. Après le match Angleterre - Sélection Mondiale organisé à l'occasion du 100 e Anniversaire de la FA, Anderlecht alors emmené par le Britannique Bill Gormlie joua à Highbury, terrain d'Arsenal. A l'époque, Arsenal avait la réputation d'une équipe solide et stabile comme l'Angleterre, mais Rie Meert et Co mirent cette réputation à mal en s'imposant sur le score de 2-3, à savoir la première victoire d'une équipe étrangère sur le terrain de Highbury en 90 ans. Après le match, Roosens allait féliciter ses joueurs et serra la main à Meert, Matthys, Dekoster, Gettemans, Valet, Degelas, Van Steen, H. Vandenbosch, Mermans, Decorte et J. Vandenbossche.

En mars 1954, Anderlecht fit encore parler de lui avec le victoire 3-2 contre le Racing Club de Buenos Aires pour l'inauguration des nouvelles installations d'éclairage. Entre-temps, le club avait aussi fondé son Ecole des Jeunes ainsi que la Commission Technique, laquelle se composait du président, du secrétaire général, d'un docteur, d'un responsable technique, d'un responsable pour les entraînements physiques et un responsable de la Jeunesse. Cette commission avait pour mission de superviser les problèmes d'ordre technique, social, familial, médical et même caractériel qui pourraient accabler les joueurs.

En 1943, le club avait dû faire face à plusieurs coups durs, pas uniquement la lourde défaite 7-0 contre le Spartak Moscou, mais aussi le décès du vice-président Leon De Porre.

Après un tournoi avec le Sporting au Congo, Albert Roosens fut élu en juin 1955 membre du Comité Exécutif de l'URBSFA. En 1967-1968, il occupa la fonction de vice-président jusqu'à sa nomination en tant que secrétaire général en 1973.

1955 fut pour le club et son président l'année des premières apparitions en Coupe d'Europe. Le premier adversaire fut le Voros Lobogo (Hongrie), une équipe dans laquelle on retrouvait certains internationaux comme Nandor Hidegekuti, Lantos et Palotas. En novembre 1953, ces joueurs avaient livré une démonstration à Wembley, en gagnant 3-6! Ce fut le même résultat pour Anderlecht, après avoir pourtant ouvert la marque et atteint la mi-temps avec un retard d'un seul but (3-2). Dans le bouquin 'Anderlecht, le Grand Espoir', Albert Roosens raconte ceci à Roger De Somer concernant le match retour: "C'était notre 69e match internationel, mais le premier vrai match de compétition contre une équipe étrangère dans un stade rempli. C'était un beau match, et personne n'aurait pu prédire le résultat. C'était sans compter sur l'arbitre néerlandais Bronkhorst, qui pourtant avait une bonne réputation: il siffla un coup franc contre Martin Lippens alors que la faute était pour nous. Avec un attaquant de la trempe de Hidegekuti, c'était bon pour un goal. Après la pause, nous sommes revenu à 1-1, après quoi les Hongrois marquèrent le but de la victoire à 12 minutes du terme. On se créa beaucoup d'occasions dans ce match, mais leur gardien arrêtait tout. Il s'appelait Arpad Fazekas et on le trouvait si bon que c'était lui qui défendait nos filets lors de notre victoire 7 ans plus tard contre le Real Madrid".

En août 1957, Jef Mermans quitta le club après 15 ans de service au club. Ce n'était pas une décision facile. Jef avait alors 35 ans, mais le club estima que son départ lui couterait environ 5.000 spectateurs par match. Il put finalement partir, de plus en étant libre de transfert, fait assez exceptionnel à l'époque.

En août 1958, les 50 ans du club furent fêtés avec l'édition d'un livre par un ancien entraîneur devenu journaliste, Max Well.

La plus belle satisfaction de Roosens fut d'avoir lancé la carrière de Paul Van Himst alors qu'il n'avait que 10 ans lorsqu'il se présenta au centre de formation dirigé par Vanden Stock.

Peu de temps avant que Van Himst ne fasse ses débuts en équipe première, Roosens dut encore clôturer un dossier douloureux: le remerciement de l'entraîneur Bill Gormlie qui entre 1950 et 1960 avait remporté cinq titres avec le club. Dans le libre écrit par le journaliste de la RTBF Frank Beaudoncq sur le jubilé des 75 ans d'existence du club en 1983, il raconte: "En 1958, j'ai été séduit par la façon de jouer de l'équipe nationale brésilienne et par certains articles écrit à ce sujet par Gabriel Hanot dans L'Equipe. Il prédisait que cette façon qu'avaient les Brésiliens de voir le football changerait radicalement le jeu. Je lui ai alors écrit et j'ai demandé à le voir. Peu de temps après, je partais pour Paris en compagnie de Bill Gormlie. Nous avons discuté longuement, c'était une discussion intéressante et j'en suis revenu très enthousiaste. Notre entraîneur était quant à lui plus réticent, il restait fidèle à ses méthodes. Et ça se comprend, car il connaissait le succès depuis des années. Gormlie n'était pas seulement un homme intelligent et sympathique, mais aussi un entraîneur compétent. Il était passioné de football et avait un incroyable esprit tactique. C'est fou de voir comment il avait amélioré le jeu de tête de Jef Mermans par exemple!"

"Entre-temps, Gormlie avait fondé L'Ecole du Heyzel, mais suite au retour de Paris, il y avait un petit froid entre nous. Bill ne voulait pas essayer de jouer en 4-4-2. Plus tard, j'ai souvent remarqué que les entraîneurs changent rarement de méthode une fois qu'ils ont connu le succès avec telle ou telle méthode. Moins d'un an après le dernier titre conquis ensemble, nos chemins se séparaient".

Après, le temps était venu pour acceuillir une nouvelle générations de joueurs talentueux: Paul Van Himst, Cornelis, Heylens, Verbiest et Puis. La nouvelle équipe se caractérisait par un jeu plus raffiné. Pour former un tout cohérent, Roosens fit appel aux services du Corse Pierre Sinibaldi, un ancien joueur du Stade Reims et de l'équipe de France. Avec lui, Anderlecht apporta un football moderne, technique et raffiné, où les qualités individuelles étaient mises au service du collectif. Ce jeu rapporta 4 titres de Champion de Belgique et une Coupe de Belgique, mais aucun succès sur la scène européenne. L'équipe jouait souvent avec des hauts et des bas. En 1962-1963, Anderlecht élimina par exemple le Real Madrid, mais se fit aussi éliminer honteusement contre Liverpool. Malgré tout, on prenait souvent cette équipe comme l'exemple même du football intelligent, composée en plus de beaucoup de talents belges. Pour Albert Roosens, c'était une grande victoire en 1964 que de voir ses onze jeunes battre l'équipe nationale des Pays-Bas avec les couleurs nationales belges. Quelques mois plus tard, il félicita Van Himst, Puis et Heylens, les numéros 1, 2 et 3 du Soulier d'Or cette même année.

Pour la saison 1965-1966, le Conseil d'Administration décida de renforcer l'équipe en vue des compétitions européennes. Ainsi, on transféra Gerard Pummy Bergholtz, après Jan Mulder.

En février 1966, Laurent Verbiest était victime d'un accident. Quelques mois plus tard, Anderlecht se faisait avoir par l'arbitre français Barberan contre le Real Madrid, avec l'élimination en conséquence. Par après lors du banquet, Roosens fit une remarque assez amère là-dessus, ce qui lui valut d'être blâmé par l'UEFA. Suite à cet incident, on décida d'organiser les banquets avant les matchs et plus après.

Après le départ de Sinibaldi, Roosens fêta encore deux titres en tant que président: un avec Andreas Beres en 1967 et l'année suivante avec Noulle Deraeymaecker.

En décembre 1969, Roosens fut nommé vice-président de l'URBSFA. Entre-temps, Vanden Stock avait pris la place de vice-président du club suite au décès de Constant Demeersman. Avec le retour de Sinibaldi en avril 1970 en replacement de Norberto Höffling, Roosens montrait ses ambitions de remporter une première Coupe d'Europe. Mais après avoir gagné le match aller 3-1 contre Arsenal lors de la Coupe des Villes de Foire, Anderlecht perdit pied au retour et s'inclina 3-0. Commentaire du président à l'époque: "Nous avons eu besoin de 40 ans pour arriver à un premier titre, nous attendrons notre première Coupe d'Europe le temps qu'il faudra".

En mai 1970, Eugène Steppé démissionna des fonctions qu'il occupait depuis 1935, et Roosens devint directeur général. Constant Vanden Stock prit ainsi sa place de directeur. Un an et demi plus tard, l'Union Belge désignait Roosens pour occuper la place de secrétaire général afin de succéder à José Crahay. Dès le 1er janvier 1973, l'ancien président du Sporting s'attela à sa nouvelle tâche qui lui laissait toujours autant de temps pour aller visionner les jeunes talents. Sa carrière à l'Union Belge prit fin sur une notre tragique avec le drame du Heyzel. Accablé par des problèmes de santé, il dut rester au pays lors de la fantastique Coupe du Monde au Mexique en 1986. Le 31 décembre 1987, il céda son poste à Michel Dhooghe, mais continua a vivre le football de près.

En tant que membre d'honneur de l'URBSFA et Chevalier de l'Ordre de la Couronne, Albert Roosens était aussi le vice-président de la Commission pour Pros et Non-amateurs, et jusqu'en 1982 membre du comité d'organisation des compétitions interclubs de l'UEFA.