Les humeurs des supporters (13)

VENDREDI, 12 AVRIL 2019, 00:29 - Bomber
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OPINIONS Jérôme est un de mes correspondants du tout début de cette chronique.
Il ne m'écrit pas souvent, mais lorsqu'il le fait, c'est toujours un réel plaisir de lire sa prose empreinte de poésie.
Car avec Jérôme, le foot devient lui aussi poésie ... même lorrsqu'il est pratiqué par la cuvée anderlechtoise 2018/2019 .

Cher Bomber,

Je m'étais dit que je ne t'écrirais pas, voulant éviter de faire exploser ta boîte email, dernier refuge pour les âmes en peine anderlechtoises.
Puis j'ai regardé par la fenêtre, et j'ai vu le soleil briller après la grisaille de ces derniers jours. Serait-ce un signe ? Un heureux présage ?
Si oui, de quoi ? Que peut-on présager de meilleur ? De bon, en ces temps troublés ?
Je ne présage plus de rien. Je ne sais plus. J'ai voulu analyser, comprendre, savoir.
J'aime savoir, au moins me rassurer, mais je ne sais plus. Je ne sais plus si nous allons un jour gagner, si Fred est le bon ou le mauvais, Frank le beau ou la bête, Marc la brute ou le truand, Zet James Bond ou OSS 117.
A lire tout et n'importe quoi, et l'avenir du Sporting dans le marc d'une bonne Gueuze de chez Belle-Vue (le pouvons-nous encore ?), je divague, je tangue, je ne tiens plus sur mes pieds, mes crampons ne me mènent plus nulle part, je ne m'accroche à rien, je ne veux pas tomber mais pourtant, le vide me tend les bras.

Le vide européen ! Oui, Bomber, le vide européen nous tend les bras. Les milieux de semaine vides de football, ou en tout cas d'un football de supporter.
J'ai peur, Bomber ! Que faire ? Je sens le vide me happer, me prendre, que va-t-il en sortir ?
Avant ça, le vide de l'entre-saison. Le vide du mercato ? Le tout ou le rien ? Le vide de fin de saison ? Le tout ou rien ?
Le vide. Résultat d'une tornade que je n'avais pas vu venir. Tornade.
Elle me rappelle Monsieur Propre, mais alors aussi Ajax, produit de nettoyage certifié années 80, mais aussi, s'il est d'Amsterdam, le modèle tant admiré de notre direction, à raison sans doute, mais alors ?
Alors, que devra surgir du vide pour suivre ce modèle ? Oui, si nous voulons être l'Ajax de Bruxelles, sans devenir un monstre à deux têtes, que nous faut-il ?

Je sors la tête de mes rêveries, je reviens ici-bas.
Oui. Qui détermine la ligne de conduite sportive ?
Comment jouent nos équipes de jeunes ?
Comment garder la même ligne de conduite en équipe première ?
Quels jeunes garder ? Quels joueurs acheter ?
Qui va décider ?

Je préfère retourner dans mes rêves.
Des maillots mauve et blanc par milliers, des titres, de la bière, des soirées d'ivresse, le sourire, un stade renouvelé, chaleureux et confortable, des journalistes au clapet refermé, des Rouches et des Brugeois aux allures de seconds rôles, des rêves encore, plus haut, retrouver l'Europe, pas seulement participer, mais jouer vraiment, tutoyer les plus grands, les sommets, applaudir, crier, chanter, le Grand Jojo, la Polonaise, tutoyer le Président dansant sur les tables, ébouriffer Michaël, raser Michel, tout est redevenu comme avant, en mieux, en dix fois mieux, le Sporting est de retour !

Non. Tout ça me semble décidément trop loin. Je n'y arrive pas. Je ne rêve plus. Je suis redescendu.
Quand j'y pense, tout s'est arrêté quand j'ai acheté un maillot floqué "Jelle Van Damme", quand il était encore un mauve et blanc.
Quand j'ai cru que sur lui, je pouvais compter.
Quand j'ai cru que nous étions immortels.
Quand je raillais mon jeune filleul d'avoir choisi de supporter le Standard.
Je m'entends encore, le sourire en coin : "Tu as fait le mauvais choix. Tu vas au-devant de grandes désillusions".
Que pourrait-il me répondre aujourd'hui, s'il ne s'intéressait pas exclusivement au football européen ? Celui-là même que dans mes rêves, je vois le Sporting tutoyer.

Du coup, je rêve quand même, Bomber.
Un tout petit rêve de rien du tout, mais qui prend l'air d'un fantasme irréel : revenir de Sclessin sans nouvelle désillusion.
Une petite victoire, un nul, quelque chose qui me murmurerait que je peux encore lever la tête vers le soleil, et y croire !
Quelque chose qui reflèterait ce qui ne changera jamais : le Royal Sporting Club Anderlecht est le seul club belge que je supporte, et même dans mes pires cauchemars, ça ne changera jamais. Jamais.

Belle journée, Bomber !

 





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