"Les humeurs des supporters" (3)

OPINIONS Même s'il ne précise pas son âge, Baptiste doit se situer dans la vingtaine. Manifestement, les jeunes de sa génération sont beaucoup moins enclins à écrire de longs commentaires et préfèrent généralement se limter à quelques mots sur les réseaux sociaux. C'est leur droit le plus strict, mais je tiens à remercier chaleureusement Baptiste pour sa contribution positive à cette rubrique.

"Je m'appelle Baptiste et, suite à votre demande aux plus jeunes supporters du Sporting à donner leur opinion, je me permets de vous envoyer cette lettre. 

 Le Sporting de mon enfance, c'est celui de Koller et Radzinski. C'est les soirées de Ligue des Champions ou je devais supplier ma mère de me laisser regarder l'entièreté des matchs pour ne pas rater une miette des victoires contre Man U ou la Lazio.  

 Pourtant, mon père me parlait souvent du Sporting de son époque, celui de Rensenbrink et Van der Elst, qui faisait peur à l'Europe. Et je rêvais aussi d'un jour voir Glen de Boeck soulever un trophée européen sur les écrans télé du monde entier.  

 Depuis, évidemment, l'espoir s'est tempéré. Surtout quand Glen a raccroché les crampons. Mais je ne me résigne pas à penser que le Sporting est un nain européen. D'ailleurs, je ne pense pas que le problème vienne seulement d'Anderlecht. 

 Ce qui m'attriste dans la situation, c'est de me retrouver à suivre un sport qui véhicule des valeurs qui feraient enrager un moine bouddhiste et qui fileraient de l'urticaire à un cactus. C'est de ne pas avoir connu le football humain qui n'avait pas encore réduit le joueur en esclave et le supporter en portefeuille sur pattes.  

 Je pense que c'est ce qui rend des joueurs comme Vanden Borre sympathiques aux yeux des supporters. C'est qu'ils ont encore une image humaine. (Et en disant ça, je me rend compte que je commence à parler comme Stephane Streker et ca m'horripile).  

 Au contraire de ça, pour moi, il y a l'image de Cristiano Ronaldo. C'est un excellent joueur, certes. Mais quelle arrogance! Quelle superficialité! On ne différencie plus le joueur de foot de la belle gueule publicitaire.  

 La passion du beau jeu est doucement remplacée par la passion du chiffre. Combien on gagne par mois? Quelle cote on a en dribbles sur Fifa? Quel ratio assists/matchs joués on a? Qui sera le joueur le plus cher? Combien de kilomètres on parcours sur le terrain? Quel club a le budget suffisant pour jouer en D1A bis section b43'? 

 Si je voulais faire preuve de nostalgie et parler du moment le plus marquant de ma première année de supporter du Sporting, c'est-à-dire la patate dans la lucarne de Crasson sur le terrain de Bruges, à ce moment là, on arrête de compter. On contemple. L'amour du football, il est là. 

 Et donc, sans forcement analyser spécifiquement la situation actuelle du club, j'avais juste envie de dire que beaucoup de choses qui dépassent le cadre des problèmes intrinsèques d'une équipe sont en train de rendre le sport incroyablement difficile à défendre auprès de ceux qui le vilipendent (et ils sont nombreux autour de moi). 

 Alors, pour ne pas trop déprimer, je me concentre sur les petits points positifs, tant qu'ils durent. 

 
Par exemple, je trouve que le duo Tielemans-Dendoncker dans l'entre-jeu est porteur de beaucoup d'espoir, aussi longtemps que ca durera. Je pense que Defour n'avait malheureusement rien à faire au Sporting et qu'il a déstabilisé beaucoup de choses. 

Je trouve aussi qu'Hanni est impressionnant tant il a l'air d'avoir toujours fait partie de l'équipe. 

Je suis aussi très content du retour de Bruno et j'espère que Stanciu répondra aux attentes. Je me souviens aussi qu'Hassan n'avait pas forcément rayonné d'entrée. 

 Bref, je continue à penser que les choses peuvent s'améliorer. Mais pas forcément au point de regagner une coupe d'Europe. Je suis juste optimiste, pas idiot. Le football n'évolue pas en faveur des clubs de moindre envergure. Et l'étonnement provoqué par le titre de Leicester en est un peu la preuve."